Musée de l’artillerie de Draguignan 1/2

Impossible de comprendre l’évolution de l’architecture des fortifications sans comprendre l’évolution de l’artillerie au cours des siècles. C’est pourquoi le b.a.ba du patrimoine était ce week-end au musée de l’artillerie de Draguignan. Un superbe musée qui mérite vraiment la visite !
L’histoire de l’artillerie pour résumer, c’est majoritairement l’histoire du canon (et de ses munitions !), depuis son invention au XIVe siècle jusqu’à aujourd’hui. C’est lui qui sonna la fin du château fort et les bouleversements des fortifications au gré de ses évolutions.
Amélioration de la puissance, de la mobilité, de la distance de tir, de la précision, de la cadence : les évolutions techniques sont innombrables. Pour une arme malgré tout cela, très reconnaissable à travers les siècles.

Petite visite guidée et non exhaustive du musée de l’artillerie de Draguignan ! Je vous parlerai principalement du circuit chronologique du musée et en simplifiant, pour rester accessible à tout le monde. Sachez que le musée est bien plus vaste que ce qui vous est présenté ci-dessous. Donc n’hésitez pas à aller le visiter par vous-même ! 🙂

La naissance de l’artillerie (1324-1453)

Les premières bombardes étaient composées d’un tube, d’une boite à poudre et d’un projectile. La pierre ronde était encore utilisée comme projectile.
Sa portée était d’environ 100 mètres et la poudre utilisée comme charge explosive était encore de qualité très variable. Les première bombardes étaient moins efficaces que l’artillerie mécanique (catapultes) et servaient pour l’artillerie de siège.

Pierrier à boîte (XV-XVIe). Utilisé principalement pour l’armement des navires. Découvert en Guyane.
Petit canon de rempart en fonte de fer, retrouvé dans les fossés du château de Montluçon.

L’artillerie de la Renaissance (1453-1560)

Avec les guerres d’Italie, son utilité évolue : elle ne sert plus à détruire ou défendre des murailles mais à tirer sur les lignes ennemies. On remplace le fer forgé par du bronze, plus léger, et on lui donne de la mobilité en la montant sur des roues. Le canon est né.
Malgré le foisonnement des débuts, on tente déjà à la Renaissance de réguler les différents modèles de canons. Mais la diversité reste encore beaucoup trop grande et entraine aussi la multiplication des modèles de munitions.

Couleuvrine bâtarde d’un calibre de 102mm environ, tirant des boulets de 7 livres, datée du début du XVIe siècle (reconstitution).

Le canon classique français (1560-1760)

Le canon devient l’arme du roi : il a un rôle décisif autant en attaque qu’en défense lors des guerres de Louis XIV. On professionnalise les artilleurs en leur donnant une nouvelle instruction spécifique.
Différentes cales de bois permet une visée sommaire en l’inclinant plus ou moins. Même si ces canons sont plus performants qu’auparavant, ils gardent certains défauts : une cadence de tir lente (1 coup toutes les 10 minutes) à cause d’un chargement fastidieux et une trajectoire sinusoïdale dans le tube qui diminue la vitesse du projectile.

Le système Gribeauval (1765-1815)

La tentative de normalisation par Lavallière s’est révélée très insuffisante. Le colonel Gribeauval, ayant étudié les artilleries autrichiennes et prussiennes, rentre en France avec des idées nouvelles. Louis XV le promeut Inspecteur de l’artillerie en 1774 et lui permet de mettre en œuvre de très grandes réformes qui porteront son nom.

Il distingue chaque type d’artillerie (de place, de côtes, de marine, de campagne) et conçoit des systèmes propres à chacune. Il repense l’artillerie de campagne pour corriger ses défauts majeurs : il parvient à la rendre plus puissante et plus mobile. Il fait raccourcir le fût du canon, ce qui l’allège, et perfectionner sa fabrication, ainsi que celle de sa munition. Les cales pour régler la hauteur de tir sont remplacées par une vis, bien plus précise. Pour tout cela, il doit instituer un système industriel normalisé, tel que jamais vu auparavant.

Il renforce la spécialisation des artilleurs, leur mobilité et leur place au sein de l’armée.

Canon de campagne de 8 livres, système Gribeauval 1765. Le canon de 8 est la pièce la plus courante du système Gribeauval.

La fin du bronze (1815-1870)

Le système Gribeauval a tellement perfectionné le canon de bronze qu’il reste longtemps un pallier technologique infranchissable.

Mais le maréchal Valée procède tout de même à une simplification des pièces d’artillerie Gribeauval, adoptée en 1828. Il améliore l’alliage de bronze pour alléger le canon, remplace l’affût à deux poutres (le support sur lequel repose le canon) par un affût monobloc, qui permet une meilleure maniabilité. Grâce à ces améliorations, il y a besoin de moins de personnel et d’animaux pour transporter les canons et leurs munitions.

Obusier de 15cm, système Valée. J’aurais dû le prendre en photo de l’autre côté pour qu’on puisse voir l’affût monobloc… Mea culpa.
Illustration de la trajectoire du projectile dans le tube du canon, en fonction de son rayage et du projectile (Musée de l’artillerie de Draguignan).

Le général Ernest Ducos de la Hitte modernise aussi le système Gribeauval avec l’adoption des tubes rayés et des obus. Ces rayures permettent d’atteindre des portées jusqu’à 3400 mètres. Avec ces améliorations, on touche au maximum de ce que les canons en bronze et à chargement par la bouche peuvent faire.

L’acier et l’obus (1870-1894)

Malheureusement le général de la Hitte n’a pas validé deux avancées proposées par le général Reffye : la culasse (qui permet le chargement par l’arrière du tube), inventée par le général Treuille de Beaulieu, et le tube rayé en acier. La France entre donc en guerre contre la Prusse (1870) avec un retard technologique.

Face aux Prussiens, les canons la Hitte montrent vite leurs limites. En pleine guerre, la France lance la production des prototypes proposés par le général Reffye et adapte les canons existants avec ses avancées.

La cadence passe alors à 3 coups par minutes, la précision du tir est meilleure et la portée dépasse les 2000 mètres.

Après 1871, le lieutenant-colonel Lahitolle et le colonel de Bange repensent l’artillerie pour remplacer tous les anciens systèmes utilisés (canons de bronze, comme système Reffye). Ils améliorent les culasses, avec un système d’ouverture bien plus rapide. Les systèmes proposés par ces deux officiers sont très proches mais c’est le système de Bange qui finit par l’emporter.

La portée du tir atteint alors 5000 mètres et la cadence 1 coup par minute. Malheureusement, la légèreté du canon gagnée grâce à l’utilisation de l’acier ne permet plus de compenser l’effet de recul lors du tir. Le canon recule de près d’un mètre à chaque coup ! De nouvelles solutions viendront y remédier : comme les plateformes de tir inclinée ou les freins.

Les matériels du système Bange seront utilisés jusqu’en 1940 !

Canon de 90mm, système de Bange, modèle 1877. Canon de campagne en acier, avec affût en fer. Chargement par la culasse.

Pour la suite de la visite, cliquez sur ce lien : Musée de l’artillerie de Draguignan 2/2

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