[On lit] Les Gaulois, de Dominique Garcia

Belle découverte que ce livre qui fait un panorama de ce qu’on sait à l’heure actuelle sur les Gaulois. Un livre à la fois d’une grande rigueur scientifique et bien vulgarisé pour s’adresser aux « 15 à 95 ans » (le niveau du vocabulaire ne permet pas plus jeune).

En lisant ce livre, on se rend compte à quel point on parle beaucoup des Gaulois mais on en connait peu sur eux ! Voici quelques notions généralistes à retenir du livre Les Gaulois de Dominique Garcia aux éditions CNRS. En vous conseillant sa lecture et en espérant qu’il se diffuse largement !

Si un sujet vous intéresse plus qu’un autre, voici le plan des chapitres abordés :


Qui sont les Gaulois ?

L’auteur nous rappelle à raison que l’émergence d’un peuple n’est jamais le fruit d’une génération spontanée. Le territoire de la Gaule était très actif dès la préhistoire et le Néolithique, avec des échanges d’objets manufacturés de grande qualité (comme des grandes lames de silex) et ce, sur des milliers de kilomètres. Les populations et les marchandises circulaient largement. Des groupes celtiques se seraient implantés dans cet espace au moins depuis le IIIe millénaire avant J.-C. La culture gauloise, à proprement dit, s’est forgée avec les interactions que ces peuples celtiques ont eues avec les sociétés méditerranéennes à partir du VIIe siècle avant J.-C.

Étant donné qu’ils étaient des peuples sans écriture, ce que nous savons d’eux est en partie ce que les autres (particulièrement les Grecs et les Romains) ont dit d’eux lorsqu’ils se sont rencontrés. Les Grecs les ont appelés Keltoi (Celtes) et les Romains Galli (Gaulois).

Un des points communs des Gaulois était leur langue, dont on a du coup, peu de traces. C’était une langue indo-européenne du groupe du « celtique continental » qui regroupait plusieurs dialectes différents. Mais pour autant, les Gaulois se comprenaient entre eux.

Lorsqu’ils ont eu besoin d’écrire (pour la comptabilité, les titres de propriété ou des inscriptions funéraires), ils ont emprunté l’alphabet étrusque, grec et latin.

Comme ils n’ont pas laissé d’écrits, nous ne pouvons qu’estimer l’étendue du savoir et des connaissances qu’ils se transmettaient. On sait notamment, par des découvertes archéologiques et des textes anciens, que leur calendrier était complexe et basé sur la lune.

 » C’est par la lune que les Gaulois règlent le début de leurs mois et de leurs années et aussi celui du siècle au bout de trente ans.  »

Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XVI

Il est difficile de définir précisément la culture matérielle gauloise avant le VIe siècle, on peut dire en tout cas qu’elle était à la fois issue d’influences extérieures (notamment méditerranéennes) et d’un caractère original qui s’est affirmé au fil des siècles. L’art celtique « laténien » (du nom de La Tène, en Suisse) montre certains traits remarquables : les compositions sont caractérisées par une profusion de formes abstraites disposées en symétrie, remplissant tous les espaces.

Casque gaulois d’Agris (Charente), IVe s. avant J.-C. (il figure dans le livre page 50). Copyright : Rosemania – Wikimédia

Organisation géographique et urbaine

Ceux que nous appelons les Gaulois étaient en fait un ensemble de peuples celtiques différents qui ont développé progressivement une culture commune.

Les fleuves constituaient des voies de communication autour desquels de nombreux centres urbains se sont formés. Des routes existaient également, dont certaines ont été reprises par les Romains, comme la voie Héracléenne, qui est devenue la voie Domitienne.

Les Gaulois ne s’implantaient pas sur les littoraux directement, ils préféraient l’arrière-pays et les bords de fleuves, parfois les lagunes. Marseille est la première ville fondée en Gaule (en -600), par les Grecs, car à cette époque ce territoire est parsemé de petites bourgades agricoles. Les Gaulois tenaient plus à leurs troupeaux qu’à leur terre et bougeaient encore beaucoup.

On distingue plusieurs essors urbains dans l’histoire des Gaulois : les villes créées par la colonisation (grecque et romaine) et les regroupements de population dans des lieux importants d’échanges commerciaux. Ces derniers se produisent dans deux périodes majeures : l’époque des principautés celtiques (seconde moitié du VIIe siècle av. J.-C. jusqu’au milieu du Ve siècle av. J.-C.) et l’époque des oppida (du IIe siècle av. J.-C. jusqu’à la conquête romaine, voire après pour certains historiens).

Les principautés celtiques

L’auteur compare les éphémères principautés celtiques à des états émergents. Elles se caractérisent par une société très hiérarchique, sous l’autorité d’un chef qui regroupe l’essentiel des richesses et des pouvoirs. Le développement du commerce bouleverse l’organisation d’une société gauloise qui était jusque là uniquement centrée sur l’agriculture. C’est à cette période que correspond la célèbre tombe de la Dame de Vix, aux objets luxueux et démesurés, comme le cratère d’1m75 de haut.

Vous pouvez écouter Dominique Garcia parler expliquer cette période dans cette vidéo :

La civilisation des oppida

Au moment où César arrive en Gaule, la Gaule méridionale est organisée autour des oppida, qui sont les capitales fortifiées de peuples qui se sont regroupés au cours du temps (comme Bibracte pour les Eduens ou Gergovie pour les Arvernes).

Les oppida (oppidum au singulier) n’étaient pas forcément placés en hauteur, contrairement à ce qu’on pense aujourd’hui.

Selon les auteurs antiques, le reste de la Gaule (celle du centre et du nord) était organisée en civitates (territoires aux dimensions d’un département actuel environ) et en pagi (cantons plus petits, dont les limites sont marquées par des bornes de pierre), dont les capitales ont aussi été appelées oppida.

 » En Gaule, non seulement toutes les civitates, tous les pagi et fractions de pagi, mais même, peut-on dire, toutes les familles sont divisés en partis rivaux. « 

César, Guerre des Gaules, VI, 11, 2

Ces civitates étaient parfois des sortes de cités-états (proches des cités-états méditerranéennes), parfois des confédérations, qui fédéraient plusieurs pagi. Elles géraient les réseaux économiques et politiques, l’ordre à l’intérieur de la civitas et la guerre contre d’autres groupes.


L’organisation politique et sociale

Du point de vue politique, le système le plus ancien était la royauté. Le roi (rix) avait souvent un pouvoir héréditaire. On trouvait également des oligarchies, où le pouvoir était exercé par une assemblée d’individus (en général, les nobles) ou par une famille. Cette assemblée élisait un vergobret, c’est-à-dire un magistrat suprême qui exerçait l’ensemble des pouvoirs civils pour un an.

Les rois et chefs devaient sans doute porter des vêtements et parures pour se distinguer, dont le fameux torque en or, argent ou bronze.

Torque en or retrouvé dans la tombe de la Dame de Vix en Côte-d’Or. Diamètre réel : 27,4 cm. Copyright : Rosemania – Wikimédia

Le reste de la société était apparemment composé de chevaliers (equites), d’hommes libres et d’esclaves. On pouvait rapidement perdre son statut d’homme libre en ayant une dette envers un autre homme ou une autre famille.

Les femmes avaient probablement un statut un peu plus important que dans la société greco-romaine (où elles sont considérées comme d’éternelles mineures, donc c’est sûr, c’est pas bien difficile). On a des exemples de femmes tenant le rôle de médiatrices lors de différends entre peuples ou appartenant au clergé et à l’élite politique.

Dans la capitale des Salyens, à Entremont, mais également dans d’autres sites provençaux, plusieurs représentations sculptées révèlent une présence féminine dans l’espace public parmi les figurations de personnages disposés à proximité des héros honorés. L’analyse des fragments permet de restituer des femmes assises sur des sièges bas, en robe longue et manteau, la tête recouverte d’un voile descendant dans le dos. Nous avons probablement affaire à des membres du clergé ou de l’élite politique.

Extrait du livre

L’économie gauloise

Les Gaulois n’utilisaient pas la monnaie avant le VIe siècle avant J.-C. et l’influence marseillaise, certains peuples frappent leur propre monnaie locale à partir du IIIe siècle av. J.-C. Auparavant ils pratiquaient le troc et les échanges. L’implantation de la ville grecque de Marseille sur les terres gauloises débuta l’utilisation de la monnaie et ouvrit les portes du commerce avec la Méditerranée.

Notons de façon schématique que les peuples du Midi alignent leurs frappes sur le modèle de Marseille (l’étalon est la drachme et le métal est l’argent) alors que, peu après, les Gaulois septentrionaux qui vont intégrer l’espace commercial romain vont adopter le statère et l’or. […] Au IIe siècle av. J.-C., suite à la conquête de la Transalpine, du commerce alimenté par les négociants romains et du développement des oppida, les peuples gaulois indépendants abandonnent l’étalon d’or du statère pour s’aligner sur le denier d’argent romain.

Extrait du livre
Statère (monnaie en or) du peuple des Aulerques-Cénomans (région du Mans, France), Ier siècle av. J.-C. Copyright : CGB – Wikimédia

Sur les terres des Gaulois, on trouvait de nombreuses ressources naturelles comme l’or (extrait des fleuves et des mines, dans toute la Gaule), l’argent (Massif central) et le cuivre (Massif central, Alpes). Le fer aussi, était présent sur tout le territoire. Les Gaulois ont développé de ce fait une grande maîtrise de la forge. L’agriculture également, y était très développée et abondante. Les fermes gauloises étaient très nombreuses et parsemaient tout le territoire. De même que l’élevage. Les forêts étaient en net recul du fait de ces activités. Au point que les Gaulois étaient en capacité de commercialiser des excédents de céréales.

Les Gaulois étaient de bons artisans, en travail de la céramique et du métal notamment. Ils sont les premiers, sur notre territoire, à avoir développé des activités artisanales spécialisées avec des ateliers dédiés.

Leur enrichissement était également lié à leur position stratégique au cœur de l’Europe de l’ouest, entre la Méditerranée et l’Europe du Nord. Les Gaulois sont sur un axe de transit pour l’ambre de la Baltique et l’étain de la Cornouaille. D’ailleurs le nom du peuple gaulois de la région de Troyes, les Tricasses, signifie « qui transporte l’étain« .

L’or était très important pour les Gaulois car il était à la fois un symbole de pouvoir (les personnes importantes portaient notamment un torque en or pour se distinguer) et il était une belle offrande pour les dieux. Les Gaulois ont dû se battre pour protéger leurs gisements des convoitises mais ils se sont aussi battus entre eux pour sa possession.


La religion gauloise

Il est difficile de brosser une représentation fidèle de la religion gauloise, toujours à cause de l’absence de textes. On en connait des morceaux grâce aux objets et à quelques textes d’auteurs grecs et latins.

Par exemple, la recherche archéologique a confirmé une anecdote que Diodore de Sicile nous avait transmise, du roi Brennus entrant dans un temple grec et riant de découvrir des dieux anthropomorphes : avant la période gallo-romaine, les Gaulois n’ont jamais représenté de dieux à visage humain.

Car la religion gauloise était avant tout vouée à la nature. Différents dieux étaient censés habiter des lieux naturels importants : montagnes, sources, grottes, endroits frappés par la foudre, etc. Certaines villes se sont constituées autour de ces sites sacrés, comme Nîmes et Saint-Rémy.

Dans le nord de la France, on a retrouvé des sanctuaires anciens (IVe siècle av. J.-C.) composés d’un espace cérémoniel qui contenait une fosse, entouré par une enceinte de bois. On y accède parfois par une porte décorée par des trophées (armes, crânes d’animaux ou d’hommes). A l’intérieur, on a trouvé des traces d’offrandes (sacrifices d’animaux, voire d’humains, monnaies, objets) et de banquets. On imagine que ces fosses étaient des sortes d’autels creux qui permettaient de communiquer avec les forces de la Terre.

La recherche a également a croisé les différents textes pour essayer d’identifier les différents acteurs du culte. Les druides auraient été les détenteurs du savoir, des sortes de sages de la tribu ; les bardes auraient été des poètes, des historiens de la mémoire qu’ils transmettaient à travers leurs chants ; les vates, des sortes de devins qui pratiquaient les sacrifices religieux.

En parallèle de cette religion de la nature, il existait depuis le début de l’âge du fer, un culte des héros. Il s’agissait de bustes de personnages, portant souvent un torque auxquels on vouait un culte. On a retrouvé également en Bretagne, au sein de fermes aristocratiques, des bustes en pierre qui devaient être fixés dans la terre (comme celui découvert à Paule, ci-dessous).

Statuette découverte à Paule (Côtes-d’Armor), IIe siècle av. J.-C., 43 cm de hauteur. Il s’agit d’un homme avec un torque et une lyre, est-ce un ancêtre barde ? (page 102 du livre) Copyright : Caroline Léna Becker – Wikimédia

Ces ancêtres glorieux devaient probablement asseoir la légitimité de certaines familles dominantes.


Chronologie

J’ai essayé de dégager du livre une chronologie, pour rendre les choses plus synthétiques et visuelles. La voici :


Conclusion

On l’a vu, l’histoire des Gaulois est passionnante et riche. Il ne s’agissait pas d’un peuple unique qui chassait tranquillement le sanglier jusqu’à ce que les Romains en fassent la conquête (oui, c’est un clin d’œil à Astérix et Obélix !). D’ailleurs, ils ne taillaient pas non plus de menhirs, c’est un anachronisme (les mégalithes sont plus anciens de plusieurs milliers d’années).

Dominique Garcia nous expose également, dans d’autres parties du livre, la fin de la Gaule avec la conquête militaire romaine. Mais bien sûr, là aussi, on est loin des images d’Épinal… Les influences méditerranéennes sont très anciennes en Gaule et la romanisation a commencé depuis bien longtemps (au moins le IIIe siècle avant J.-C.). Nombreux sont les peuples gaulois qui se plaisent à la stabilité offerte par la puissance romaine. Même Vercingétorix, serait un ancien allié des Romains, qui se serait finalement retourné contre eux dans le but d’établir sa propre royauté.

Et finalement, la première ville fondée sur le territoire français actuel, Marseille la grecque, sera aussi la dernière à devenir romaine en -49. Ce serait donc elle, notre « irréductible » ?

Lisez tout cela dans le livre Les Gaulois… 🙂

Pour aller plus loin

Je vous conseille cet interview de Dominique Garcia, par Nota Bene :

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